Lundi 7 août 2006
Je vais au petit-déjeuner et je rencontre deux personnes de Mannheim, Sonia et Tchicako. L’une est une chanteuse allemande, soprano léger, l’autre est pianiste. Nous allons ensemble à la Stadthalle prendre nos billets pour les jours à venir et ensuite nous nous promenons un petit peu.
Le discours d’explication du Fliegende Holländer est plutôt un récital extraordinaire par le brillantissime Detlev Eisinger. Un homme généreux et simple qui nous montre de façon évidente les corrélations musicales entre Liszt, Schumann, Brahms et Wagner ! Même avec peu de compréhension de la langue, je comprends tout ! Une blague ? Je suis la première surprise de me voir rire avec tous les autres. Après, le déjeuner… typiquement allemand, petite salade, gros morceau de viande panée, pommes de terre mayonnaise, délicieux !
Je rencontre une Française, Marie, qui parle un allemand parfait. Elle est metteur en scène. Je me lie d’amitié avec Bettina, une jeune Allemande qui parle un anglais parfait. Elle étudie avec le chanteur qui chante le personnage d’Erik ce soir. J’apprends beaucoup sur cet homme et son personnage est profond et chaleureux. Son esthétique vocale me plaît énormément. Velouté, articulation, c’est absolument spectaculaire. La mise en scène me fascine même si je ne comprends pas tout le symbolisme, j’ai du mal à distinguer le père du Hollandais, mais je suis aux anges dans cette acoustique incroyable. L’orchestre me fait frissonner et j’ai la chair de poule des pieds à la tête. C’est un étourdissement total et je n’arrive pas à croire que je suis là ! C’est un sentiment que j’aurai souvent au long de cette expérience.
Mardi 8 août 2006
Ma journée la plus occupée. J’ai rencontré des Italiens, des Suisses et des Français dont une jeune femme Soumaya qui vient de rentrer à la Chapelle avec José Van Dam. Nous nous lions très vite d’amitié et nous décidons de chanter un duo… que je ne connais pas… de Mozart.
Toute la journée nous la passons à répéter, visiter la ville, la villa Wahnfried et la maison de Liszt, puis encore des répétitions pour le dîner. Nous sommes les premières à chanter et nous sommes extrêmement bien reçues. Le pianiste est Italien et nous sommes le seul groupe qui ne se connaissait pas avant d’arriver à Bayreuth. Nos collègues boursiers ainsi que des membres du Cercle Wagner de différents pays nous félicitent et un jeune chef anglais me propose même du travail ! Le concert continue tard dans la nuit. C’est extraordinaire de passer autant de temps avec des musiciens aussi talentueux et d’être dans un environnement aussi riche d’émotion !
Mercredi 9 août 2006
Nous visitons le Festspielhaus avec le Directeur Wolfgang Wagner. Il semble un peu fatigué et ne reste que quelques minutes. Ce soir c’est Tristan et Iseult, même si la mise en scène n’est pas à mon goût, les chanteurs et l’orchestre sont incroyables ! J’ai la chair de poule encore et encore. A l’entracte je rencontre une ouvreuse française qui travaille à Bayreuth tous les étés. Elle est sympathique et vient à Bayreuth uniquement pour le plaisir d’écouter les opéras. Les ouvreuses ont chacune une chaise pour qu’elles puissent assister au spectacle ! J’adore le respect que l’on accorde à chaque personne qui travaille au Festspielhaus. Tous sont réunis par la même passion et pour le plaisir de la musique.
Les deuxième et troisième actes sont époustouflants et nous donnons une « standing ovation » à Nina Stemme. Les saluts durent vingt minutes… je n’ai jamais vécu cela ! L’ambiance est enivrante et les boursiers ont du mal à se coucher tôt. Nous allons à l’entrée des artistes et obtenons les autographes de Petra Lang, Robert Dean Smith et Nina Stemme. Une chanteuse est tellement émue qu’elle pleure en la rencontrant. C’est vraiment exaltant de rencontrer de tels talents !
La soirée se termine par des verres dans un bistrot sympa avec à la table Suisses, Français, Allemands, Américains, Egyptiens, Slovaques, Coréens, Thaïlandais. Les gens que je fréquente parlent une langue que chaque personne comprend. Les Italiens et Allemands me parlent dans leur langue et moi je réponds en anglais ou en français ou en un mélange d’allemand et d’italien. C’est très drôle.
Jeudi 10 août 2006
Le dernier jour, je vais voir le concurrent de Detlev Eisinger : Stefan Mickisch. Un Bavarois je l’entends à l’accent – Je ne peux pas expliquer pourquoi, peut-être suis-je en « mode » Wagner mais l’heure et demie passe à une vitesse incroyable. Juste avant le début du cours, un membre du Dresdener Cercle m’annonce : « Vous êtes dans le journal ! » Nous n’en croyons pas nos oreilles ! Nous allons voir et en effet une photo très drôle de notre duo est dans les pages musicales du Nordbayerischer Kurier ! C’est incroyable, hilarant et touchant. Jamais nous n’aurions imaginé qu’une soirée comme celle-là nous donnerait ce privilège et de tels souvenirs !
Certains de mes collègues ne connaissent pas Parsifal et sont un peu inquiets de ne pas comprendre. J’étais venue l’année passée et j’avais vu les deux premiers actes de la production de Bayreuth. J’étais curieuse de la revoir et je suis ravie de l’avoir revue, car beaucoup d’éléments de la mise en scène ont changé, des personnages « en plus » ont disparu et je suis ravie. Au lieu du silence habituel après le premier acte, l’année dernière il y avait eu des sifflements, cette fois-ci des applaudissements. Il est vrai que musicalement c’était magnifique et les bizarreries en moins ont vraiment aidé !
Après le spectacle, nous avons pris un dîner chez Oscar, très sympathique, mais il n’y avait pas la même joie car nous sentions que c’était la fin. Nous avons ri mais avec moins d’allégresse. Le jour du départ, beaucoup sont venus au petit-déjeuner pour prolonger le plaisir, même certains rentrés à 4 heures du matin ! De vraies amitiés sont nées pour moi !
J’ai pris mon train sur un nuage ambigu ! Une partie de moi était enchantée de tout ce que j’avais vécu : la musique sublime de Wagner dans l’acoustique la plus parfaite pour sa musique, la découverte de chanteurs inconnus en France et une qualité musicale à faire pleurer ! Et une tristesse de savoir que jamais plus je n’aurai l’occasion de vivre une telle expérience avec 250 novices de Wagner, tous prêts à aller plus loin dans l’expérience. Savoir que je ne pourrai plus jamais avoir un échange aussi riche est triste, mais cela veut dire aussi que j’ai grandi et que j’ai passé un cap; je ne pourrai plus être boursière, mais la connaissance que l’on m’a transmise, je pourrai la transmettre à d’autres et j’ai hâte de le faire !
Diana Higbee