Le texte qui suit rend compte de différents aspects du voyage que j’effectuai à Bayreuth, en août dernier, en tant que boursier du Cercle National Richard Wagner de Paris.
Je remercie encore une fois le comité directeur du Cercle, ainsi que l’ensemble de ses membres, grâce à qui ce mémorable pèlerinage à Bayreuth a pu se réaliser dans d’excellentes conditions.
Voyage Paris-Nuremberg, Nuremberg-Bayreuth
Les exigences de mon emploi du temps d’août 2003 me contraignent à opter pour un voyage en avion, à l’aller comme au retour. Je ne peux m’en plaindre, deux heures dans les cieux étant moins désagréables que dix sur les rails ; souvenons-nous que Lavignac préconisait pour sa part un voyage « à genoux » vers Bayreuth.
Atterrissage à Nuremberg. Un métro m’emmène de l’aéroport vers la gare, d’où je pars pour Bayreuth… ce qui me donne d’ores et déjà l’occasion de constater que j’aurais dû réviser quelques mots d’allemand : dans un premier temps, je monte en effet dans un train s’éloignant de ma destination. À force de correspondances, je retrouve cependant mon chemin, avec quelques heures de retard ; mon pied finit par se poser sur le quai de la gare de Bayreuth…
Logement et repas
Je loge seul dans une chambre au deuxième étage d’un internat situé dans un quartier périphérique, à vingt minutes à pied du centre de la ville (au 9 de la Kerschensteinerstrasse). Cette chambre, petite mais agréable, ne manque d’aucun confort.
L’établissement est calme, à peine perturbé, certains après-midi, par quelques vocalises de chanteurs (la corporation la mieux représentée parmi les boursiers). Notre hôte est affable, disponible. En plus de nous gratifier de sa bonne humeur tous les matins, il a l’immense qualité de parler quelques mots de français.
Le petit-déjeuner est pris à l’internat. Fort convivial, il permet aux boursiers de faire connaissance et d’échanger leurs impressions sur les représentations auxquelles ils assistent.
Sur les six jours de notre présence à Bayreuth, le déjeuner de midi (à la Stadthalle de la ville) est assuré quatre fois… quatre occasions de se souvenir que les raisons de mon voyage sont musicales plus que gastronomiques. Les dîners, quant à eux, sont entièrement laissés à la charge du boursier.
Visites et conférences
Outre les représentations d’un cycle complet du Ring, la bourse du Cercle Richard Wagner comprend plusieurs visites.
Visite de Bayreuth
Elle se déroule en compagnie d’une guide, que l’on a loisir de choisir germanophone ou anglophone. Promenade plaisante et instructive dans les rues de la ville (préférer le groupe anglophone, beaucoup plus agréable, car assez réduit, la grande majorité des boursiers étant allemands, autrichiens, et en tout cas germanophones).
Visite du Festspielhaus
Nous avons le plaisir, un jour de relâche, de visiter le Festspielhaus. Nous sommes accueillis par Wolfgang Wagner, petit-fils de Richard Wagner, et actuel directeur du Festival. Pendant près d’une heure, et alors que nous avons pris place dans le parterre de la salle, il évoquera l’histoire du théâtre fondé par son ancêtre. Si l’intention est louable, on peut regretter que rien ne soit fait pour permettre aux non-germanophones de saisir ses propos. Il en ira de même pour la visite du Festspielhaus. Wolfgang Wagner et l’un de ses assistants se chargent des deux groupes de boursiers, mais tous deux s’exprimeront exclusivement en allemand. Cela ne gâte pas, néanmoins le plaisir de pouvoir visiter la scène, la cage de scène, les coulisses, ou encore la fameuse fosse d’orchestre du théâtre.
Visite de Wahnfried
Les boursiers ont droit à un accès illimité et gratuit à la demeure de Wagner. Transformée en musée, elle retrace le parcours artistique et humain du compositeur, ainsi que l’histoire du Festival. Chacune des pièces de la villa est consacrée à une thématique, qu’elle décline richement, par la présentation de très nombreux documents (manuscrits, fac-similés, maquettes, fragments de décors, photos, notices explicatives, tableaux, extraits sonores, costumes originaux, etc.). Le salon de Wahnfried, qui contient encore la bibliothèque de Wagner, et où prend place un piano qui fut fréquemment joué par Liszt, fait régulièrement office de lieu de concert. J’ai ainsi pu assister (en dehors du cadre de la bourse dont je bénéficiais) à un récital de Lieder de Schumann, fort réussi.
Conférences de Manfred Jung
Chaque jour de représentation, les boursiers sont conviés à la Stadthalle, où ils peuvent assister gratuitement à une conférence de Manfred Jung (le Siegfried de nombreuses productions, dont celle de Boulez-Chéreau en 1979).
Il ressort de l’avis général que les propos de Jung (qui chante en s’accompagnant au piano durant sa causerie) n’offrent qu’une lecture académique, et pour tout dire assez soporifique, de l’œuvre qu’il présente. Au cours du séjour, les boursiers déserteront ses conférences pour leur préférer celles d’un autre orateur, organisées par la municipalité. On comprendra, quoi qu’il en soit, que la question n’ait que peu préoccupé le non-germaniste que je suis, qui préférait approfondir les œuvres par lui-même avant chacune des représentations.
Le Ring au Festspielhaus
Les jours de représentations, deux bus prennent en charge les boursiers pour les mener de l’internat au Festspielhaus, auquel nous arrivons à 15 heures — la représentation débutant à 16 heures, le temps est laissé à chacun de profiter du lieu.
Il faut insister sur la grande qualité de la réalisation musicale de l’ensemble, tenue d’une main de maître par le chef Adam Fischer. L’ensemble de la distribution est cohérent et pourvoit aux exigences de l’œuvre : Alan Titus en Wotan, Philip Kang en Fafner, Hartmut Welker en Alberich, Graham Clark en Mime, Mihoko Fujimura en Fricka, notamment, convainquent pleinement, chacun pour des raisons différentes, mais en adéquation avec son rôle.
Mention spéciale pour la Brünnhilde d’Evelyn Herlitzius, qui, même si elle est loin de posséder le physique du rôle, s’impose par sa vaillance scénique et la constance de sa prestation vocale. Qualités contraires pour Wolfgang Schmidt, qui incarne un Siegfried crédible dans son jeu, mais déçoit par son chant métallique et souvent inélégant (il y a quelques années, un Tristan donné à l’Opéra Bastille nous avait laissé le même sentiment). Aucune réserve, en revanche, pour la Sieglinde de Violeta Urmana, lumineuse et émouvante, comme on pouvait s’y attendre.
Il est compréhensible qu’à l’échelle d’une œuvre de quinze heures, la mise en scène de Jürgen Flimm soit critiquable sous de multiples aspects. En plus de certaines incohérences, ou de détails irrespectueux de l’intrigue, on pourra regretter que le Walhalla soit assimilé à un building futuriste, et douter de l’opportunité de transformer les Dieux en hommes d’affaires dotés de costards et d’attaché-case. Les Walkyries surprennent également, en punks brutales, bandeaux au front et harnachement de cuir. Au-delà de ces réserves, le travail de Flimm, coloré et contrasté, réserve d’admirables tableaux, magnifiés par des éclairages de toute beauté.
Nicolas Southon