Les œuvres symphoniques de Richard Wagner

Conférence donnée par Emmanuel Hondré,
le 22 octobre 2017, au Cercle National Richard Wagner – Paris

 

Emmanuel Hondré nous intéresse à un aspect particulièrement mal connu de l’œuvre de Wagner : ses débuts (1830-1840), et ses premiers essais à la musique symphonique. Pour Wagner, en grande partie autodidacte, et qui s’inspire énormément de ses maîtres (Beethoven, Schumann, Weber…), l’orchestre est une sorte de laboratoire. À Riga, il a l’occasion de diriger La Flûte enchantée, Les Noces de Figaro, Norma, Joseph (de Méhul), Euryanthe, ainsi que du Mendelssohn. Il compose des symphonies, et surtout des ouvertures (dont la plupart sont perdues). Pourquoi des symphonies ? Parce que Wagner compose pour se faire connaître, et pour être joué, et que, pour cela, il faut écrire des symphonies ! Quant aux ouvertures, ce sont les prémices d’opéras… qui ne seront jamais composés. En même temps, il concrétise, comme d’habitude, ses théories par des écrits : en 1834, Die deutsche Oper ; en 1841, Über die Ouvertüre. Pour lui, l’ouverture est un moment très important, qui doit représenter le drame, avant qu’il soit oblitéré par la mise en scène. Chez Mozart, il admire les ouvertures : « l’ouverture devint un morceau de musique qui existait par lui-même, et qui était par conséquent complètement fini alors même que sa contexture le rattachait à la première scène de l’opéra ». Dans Léonore de Beethoven, l’ouverture résume toute l’œuvre : « cette composition gigantesque ne peut plus s’appeler ouverture : c’est le drame lui-même à sa plus haute puissance » Quant à Weber, il le crédite de l’invention d’un nouveau genre : « on dut lui donner le nom de fantaisie dramatique ».

Sa première œuvre répertoriée, et qui fût jouée, est la Paukenschlag-Ouvertüre (1830). Dans Ma vie, il en parle comme d’une ouverture inspirée par la neuvième symphonie de Beethoven, où il prête à l’orchestre un caractère mystique « il se divisait dans mon esprit en trois éléments distincts qui se combattaient. J’aurais aimé rendre par la couleur ce que ces éléments avaient de caractéristique (…) je voulais en effet réserver l’encre noire aux cuivres, l’encre rouge aux cordes, et l’encre verte aux instruments à vent… » Il présente sa partition au chef d’orchestre de Leipzig Heinrich Dorn, qui décide de la faire jouer pour le concert de Noël, concert que Wagner décrit avec un humour inattendu, car il a un peu honte des coups de grosse caisse, qu’a posteriori, il juge excessifs…

À 20 ans, au début de l’été 1832, il écrit la Symphonie en ut, qui sera créée à Prague, en novembre 1832, assez grandiose mais avec une orchestration encore simpliste, et une lenteur qui évoque Schubert, même si Clara Wieck, lorsqu’elle écrit à son époux, Robert Schumann, parle d’une filiation avec Beethoven. Dans la Symphonie en mi majeur de 1834, plus dynamique, on entend plutôt l’héritage de Weber. On pense à l’ouverture d’Euryanthe.

C’est dans l’Ouverture de Columbus de 1835, jouée par le chef Habeneck – musique de scène destinée à accompagner la pièce de théâtre Christophe Colomb – que le futur Wagner pointe le bout de son nez, même si « cette œuvre de jeunesse ne pouvait donner qu’une idée très imparfaite de mon talent », car on commence à entendre des successions d’harmoniques caractéristiques, avec cet effet d’arc-en-ciel de la fin de L’Or du Rhin.

Il est moins heureux avec l’Ouverture Polonia de 1836, inspirée par une grosse orgie ayant suivi un banquet polonais… Car Wagner s’est enflammé pour l’indépendance polonaise, un an d’insurrection durement réprimée, et qui va entraîner la fuite de nombreux Polonais. Malheureusement, la musique n’est pas à la hauteur…

La Faust-Ouvertüre, version de 1840, est une des rares œuvres de jeunesse reprises ultérieurement (en 1855), inspirée par La Damnation de Faust de Berlioz. Il écrit à Liszt, qui lui reproche d’oublier Marguerite, qui, pour Liszt, doit être rachetée, « Peut-être comprendrais-tu mon poème symphonique si je l’intitulais « Faust dans la solitude ». À l’époque, j’envisageais d’écrire toute une « Faust-Symphonie » : la première partie était justement ce Faust solitaire en proie au désir, au doute, à la damnation. L’élément féminin lui apparaît seulement comme l’image de son désir (…) le deuxième mouvement devait faire apparaître Gretchen en tant que femme (…) : j’ai aban­donné le tout pour écrire mon Vaisseau fan­tôme ». On remarque l’opposition d’harmoni­ques entre diatoniques et chromatiques.

Enfin, en 1844, il écrit deux œuvres au moment du rapatriement du corps de Weber (mort en 1826 à Londres), pour qu’il repose à Dresde : un choral Hebt an den Sang, chanté pour la procession, et la Trauermusik pour instruments à vent (musique funèbre sur des motifs d’Euryanthe).

On peut trouver un certain nombre de ces pièces, parmi bien d’autres, dans le coffret de 3 CD L’autre Wagner, chez EMI

Anne Hugot Le Goff