Destination Bayreuth !
Après avoir été sur liste d’attente en août 2017, j’ai eu la chance de faire partie des presque 200 jeunes choisis par les Cercles Wagner du monde entier pour assister au Festival de Bayreuth, et, plus précisément, à trois opéras : Lohengrin, Der fliegende Holländer et Parsifal.
Avant mon départ, Bayreuth évoquait, pour moi, d’un côté, une sorte de ville mythique lointaine (quand j’étais petite, j’ai même longtemps cru que Bayreuth et Beyrouth étaient deux villes libanaises !), lieu d’élection de la musique wagnérienne, un théâtre construit sur mesure par Wagner lui-même, et, tout à fait à l’opposé, ce qui représente l’apanage du Bayern : ballon rond, bière et saucisses.
À peine arrivée, j’ai vécu ma première surprise agréable de la semaine : me retrouver face à face avec l’un de mes plus anciens amis chanteurs, perdu de vue depuis quelque temps, lui étudiant le chant lyrique à Fribourg, et moi à Hanovre.
Le premier événement marquant, pour moi, a été une passionnante visite du Festspielhaus. J’ai d’abord été saisie par une impression globale, celle du « dépouillement » de la salle (très peu de dorures, strapontins en bois, sobriété des couleurs… rien à voir, par exemple, avec la salle Garnier à Paris !), avant de me rendre compte et de m’étonner de l’absence de dispositif permettant de projeter des surtitres (je n’avais alors pas encore entendu la diction absolument exceptionnelle des chanteurs solistes et du chœur !). Enfin, l’on est amené à comprendre que tout – les dimensions, les matériaux, la fosse d’orchestre – est régi par LA priorité de Wagner : obtenir le plus beau son possible. Les explications acoustiques sont, de fait, des plus pertinentes, comme l’est la visite de la fosse d’orchestre. On découvre une disposition de l’orchestre tout à fait particulière, spécifiquement souhaitée par Wagner (inversion entre violon 1 et violon 2, pupitre des altos devant le chef et cuivres très reculés, donc très loin du chef). Cette spatialisation permet à la fois une balance parfaite avec les chanteurs (à aucun moment les spectateurs ne seront obligés de « tendre l’oreille » pour entendre les chanteurs, chose assez rare à l’opéra, et particulièrement chez Wagner !) et une précision incroyable.
Le soir même, baptême du feu avec Lohengrin, et découverte d’une tradition originale du Festspielhaus : l’ouverture est donnée rideaux fermés et dans le noir complet. J’ai été absolument bouleversée (le mot est vraiment approprié) par cette ouverture, par le son de cette salle, dont j’avais, bien sûr, entendu parler, mais qui devait néanmoins, quelque peu, relever, à mes yeux, de la « légende ».
Les soirs suivants : Der fliegende Holländer et enfin Parsifal. Que dire ? Faut-il ici citer le nom de tous les chanteurs (pour ne parler que des voix de soprane : Anja Harteros en Elsa, Ricarda Merbeth en Senta, Elena Pankratova en Kundry) ou des chefs d’orchestre, tous plus incroyables les uns que les autres ? Je n’ai l’intention ici, ni d’établir un catalogue exhaustif des artistes participants, ni de faire la critique musicale, en tentant d’exprimer une préférence, de nommer les points forts ou plus faibles des uns et des autres, face à un plateau vocal (toutes voix confondues, petits et grands rôles) d’une si haute qualité. Je tiens néanmoins à ne pas oublier les choristes, et à préciser que je n’avais, à ce jour, jamais entendu un chœur d’opéra de ce niveau, alliant une telle puissance et une telle précision – c’est souvent l’un ou l’autre.
Un mot rapide sur les mises en scène visionnées. Pour Lohengrin, une proposition assez dépouillée, jouant sur l’opposition entre les deux couleurs complémentaires bleu et orange, que j’ai trouvée très belle et épurée (essentiellement des jeux de lumières). Der fliegende Holländer prenait place dans une usine de ventilateurs, avec la vision d’un Hollandais devenant robot, machine, comme annihilé par notre société moderne et cherchant désespérément à retrouver l’amour et les sentiments humains à travers sa rencontre avec Senta – un parti-pris surprenant, voire déroutant, mais des plus pertinents. La mise en scène de Parsifal, se déroulant à Mossoul, m’a beaucoup dérangée. Très violente, recréant une scène de la souffrance du Christ des plus réalistes, alors que la musique de cette œuvre – apogée de Wagner – est déjà si pleine et intense (elle m’a semblé redondante par rapport à la musique), si bien que j’ai fini par fermer les yeux ! J’ai été si émue, lors de cette dernière représentation de Parsifal, que j’en ai oublié mon rendez-vous avec Annie Benoit, après le premier entracte…
En plus des spectacles, nous avons pu visiter gratuitement la maison Wahnfried, la tombe de Wagner, le musée Wagner et assister à une master class donnée par Dame Gwyneth Jones.
Le jour du départ à la gare de Nuremberg, ma première pensée fut la suivante : mais comment faire pour y retourner ? Pour cette expérience éclairante et fabuleuse, je remercie très chaleureusement les membres du Cercle Richard Wagner de Paris et leur présidente, Annie Benoit.
Ninon Demange