Pour avoir participé à l’insurrection qui a enflammé la ville de Dresde au début du mois de mai 1849, Richard Wagner a connu la proscription, l’exil, la solitude. C’est que le maître de chapelle du roi de Saxe venait de rencontrer l’anarchiste Michel Bakounine, fuyant l’Autriche après avoir fomenté un soulèvement contre le gouvernement de Vienne. L’incendie purificateur, la destruction de la vieille société bourgeoise, l’affirmation de la liberté individuelle et de l’autonomie des nationalités opprimées par les états autoritaires : Bakounine a fasciné Wagner, dont les aspirations révolutionnaires étaient connues depuis Rienzi. Des années 1830 jusqu’à l’essai Art allemand et Politique allemande (1868), Wagner a pris fait et cause pour une idée révolutionnaire qui s’est transformée constamment au fil de son existence et de ses réflexions théoriques. De l’enthousiasme juvénile pour la révolution grecque de 1821 à la défense de l’État-nation allemand, il n’a cessé d’affirmer sa volonté de subvertir la société et le champ politique, une subversion qui sera possible grâce à la régénération de l’art et, en particulier, du théâtre. C’est donc tout un parcours artistique et intellectuel que nous évoquons, sans oublier les trois moments révolutionnaires en France, 1830, 1848 et 1870-1871 : l’art et la révolution indissolublement unis avec, comme idéal, la renaissance du théâtre grec sous une forme radicalement moderne.
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Agrégé de lettres classiques, Christophe Corbier consacre une grande partie de ses travaux à la réception de la musique grecque en Europe au dix-neuvième et au vingtième siècles. Dans son livre tiré de sa thèse de doctorat, Poésie, Musique et Danse. Maurice Emmanuel et l’hellénisme (2011), il a étudié l’histoire des théories rythmiques et harmoniques de l’Antiquité, ainsi que les ouvrages lyriques forgés à partir de ces systèmes au cours du dix-neuvième siècle et dans la première moitié du vingtième siècle, en s’appuyant sur le cas de Maurice Emmanuel, compositeur, helléniste et musicologue.