Congrès international Richard Wagner,
du 5 au 8 mai 2016
Sous un soleil chaud et radieux s’est déroulé, à Strasbourg, le Congrès International 2016 des cercles Richard Wagner, réunissant 380 participants, dont 23 adhérents du CNRW-Paris.
La séance d’ouverture, salle de l’Assemblée du Palais du Conseil de l’Europe, présidée par M. Horst Eggers, président international, en présence d’Eva Wagner-Pasquier, notre présidente d’honneur, a été suivie de l’assemblée générale des délégués. Annie Benoit, présidente, et Schirley Avignon, trésorière, y représentaient notre Cercle.
Visite de la ville, excursions, conférences, concert au Palais de la Musique et des Congrès (par l’Orchestre symphonique de Mulhouse dirigé par Patrick Davin), concert d’orgue à la cathédrale, piano à l’église St Guillaume, etc., ont permis à tous d’agrémenter au mieux leur séjour. Deux événements méritaient le voyage : à la Cité de la Musique et de la Danse, La Favorite de Gaetano Donizetti, dans une transcription pour piano de Richard Wagner, et le deuxième opéra de jeunesse du Maître, Das Liebesverbot, oder Die Novize von Palermo (« La défense d’aimer, ou la Novice de Palerme »), à l’Opéra National du Rhin, création française (voir critiques ci-dessous).
Nous espérons être encore plus nombreux l’an prochain, du 7 au 11 juin 2017, à Budapest, où nous avons déjà noté un Parsifal dirigé par Adam Fischer.
La Favorite : 7 mai 2016
La Favorite, créé en décembre 1840 à l’Opéra de Paris, est le 4e opéra de Gaetano Donizetti en langue française. Richard Wagner en a fait une transcription pour piano seul.
C’est cette transcription dans la version en français qui est proposée par les solistes de l’Opera Studio de l’Opéra National du Rhin, à la Cité de la Musique et de la Danse. Avec ses 8 chanteurs et ses 2 pianistes-chefs de chant, cet Opera Studio, dirigé par Vincent Monteil, est l’une des rares structures en France à offrir à de jeunes artistes de tous horizons la possibilité de parfaire leur formation musicale en se confrontant au monde professionnel, notamment en intégrant des productions de la maison.
Sur une mise en espace d’Anne le Guernec, et sur fond de toiles de Turner, les jeunes artistes de cette production, déjà très professionnels, ont soulevé l’enthousiasme des spectateurs, qui ont applaudi leur engagement théâtral. La mezzo-soprano belge Coline Dutilleul, également compositeur, très confirmée dans des répertoires allant du baroque au contemporain, est une Léonore frémissante, dont la voix chaude et souple est d’une rare homogénéité sur toute la tessiture. Le jeune ténor chilien Diego Godoy-Gutierrez n’a pas faibli devant les difficultés de la partition suraigüe du rôle de Fernand. Son timbre est idéal pour ce genre de répertoire belcantiste. Souhaitons-lui une carrière à la Juan Diego-Flores. Le père Balthazar était interprété par la belle basse Nathanaël Tavernier, boursier du Cercle Wagner de Strasbourg, entendu la veille lors d’un intermède musical au Palais du Conseil de l’Europe. Nous sommes restés sur notre faim en écoutant la très jolie voix de la soprano italienne Francesca Sorteni dans le trop petit rôle de la suivante Inès. Le baryton mexicain Emmanuel Franco, peu à l’aise au début, a révélé un timbre nuancé et musical.
Plus qu’une mise en espace, ces jeunes chanteurs se sont vraiment investis, chacun dans son rôle, soutenus par le talent du pianiste napolitain Tommaso Turchetta, l’un des chefs de chant de l’Opera Studio.
Das Liebesverbot : 8 mai 2016
Das Liebesverbot (« La défense d’aimer, ou la Novice de Palerme ») est l’œuvre d’un tout jeune Wagner de 22 ans, qui, en adaptant la comédie Mesure pour mesure de William Shakespeare, voulait, avant tout, combattre l’infamie puritaine et l’hypocrisie bourgeoise. Sa composition s’inspirait de l’opéra romantique français (Auber, Hérold) et du belcanto italien (Rossini, Bellini, Donizetti). Lors de sa création, en 1836, à Magdebourg, Das Liebesverbot avait été un échec, et, avec ses deux autres opéras de jeunesse (Die Feen et Rienzi), avait été exclu du panthéon de Bayreuth. Même si cet opéra-comique semble, en apparence, très peu wagnérien, il annonce cependant les grands chefs-d’œuvre à venir. Il n’avait jamais été représenté en France. Il s’agissait donc, à Strasbourg, d’une création, et la Première a eu lieu à l’occasion du Congrès International Richard Wagner.
La metteur en scène, Mariame Clément, a pris le parti de la comédie et de la légèreté, et a situé l’action à l’époque contemporaine, dans un café viennois, qui sera le décor unique. L’ambiance y est chaleureuse, jusqu’à ce que les sbires du tyran Friedrich, vêtus d’une tenue folklorique (culotte de peau), viennent imposer aux palermitains les nouveaux interdits du gouverneur. Un petit clin d’œil à l’actualité, lorsque les femmes se couvrent la tête d’un foulard à l’annonce du décret interdisant d’aimer. Il n’y a plus de couvent, et les religieuses sont, en fait, les serveuses du café, en tenue stricte, ce qui limite le côté transgressif du désir du tyran. L’acte II est le plus endiablé, avec l’arrivée du carnaval, dont les participants apparaissent déguisés en personnages des opéras de Wagner : Wotan, Walkyries, géants, dragon Fafner, Nornes… On n’est pas loin de la farce. D’ailleurs, dans cet opéra, le comique et le tragique sont intimement liés.
La distribution est pétillante. Titulaire de grands rôles wagnériens et straussiens, la soprano suisse Marion Ammann qui interprète une fougueuse Isabella, possède une voix lumineuse et claire, d’impressionnantes qualités lyriques, un aigu solide et une belle endurance. Cependant, son timbre acidulé n’est pas sans évoquer l’opérette viennoise. La jeune mezzo polonaise Agnieszka Slawinska (Mariana) nous a régalés, de son timbre velouté et charnu, d’une douceur incomparable. L’opéra requiert la participation de deux ténors d’égale valeur : le ténor belge Thomas Blondelle, membre du Deutsche Oper Berlin, et également compositeur, incarne Claudio (le frère d’Isabella), avec une belle vigueur et beaucoup d’expressivité ; déguisé en mousquetaire, le jeune ténor britannique Benjamin Hulett est un amusant Luzio. La basse Robert Bork, vétéran de la distribution, a l’ampleur vocale et l’autorité qui sied au tyrannique Friedrich. N’oublions pas la ravissante Hanne Roos, Dorella piquante dans une robe lamée rose moulante et très sexy, ni la basse-bouffe Wolfgang Bankl, Brighella de luxe.
Le chœur, bien préparé par Sandrine Abello, a un rôle important dans cet opéra, certains choristes composant même de vrais numéros de théâtre.
Le brillant chef Constantin Trinks, qui avait déjà dirigé Das Liebesverbot en 2013, à Bayreuth (à l’Oberfrankenhalle, et non pas au Festspiele), conduit avec vivacité et précision l’Orchestre philharmonique de Strasbourg.
Alain et Chantal Barove