Le 12 juin 2019, Riga, Opéra national de Lettonie
Le Vaisseau fantôme a une place importante dans le répertoire de l’Opéra national de Lettonie, la ville de Riga étant probablement à l’origine de la création de cet opéra. En effet, le jeune Wagner l’a écrit après un départ précipité de Riga (il y avait séjourné et dirigé l’orchestre du Théâtre de 1837 à 1839), fuyant ses créanciers, et après avoir essuyé une tempête mémorable en mer du Nord. C’est aussi en observant l’organisation de la salle du Théâtre de Riga qu’il eut l’idée de la conception du Festspielhaus de Bayreuth.
Le metteur en scène letton Viesturs Kairišs travaille régulièrement avec l’Opéra national de Lettonie et est reconnu, en Allemagne, comme un spécialiste des œuvres de Wagner. Le couple letton Reinis et Krista Dzudzilo a collaboré avec lui pour les décors et les costumes, dans le respect de ses intentions.
Dans cette production, la mise en scène est basée sur trois idées : le temps, le chemin et l’attente. Tous les autres thèmes y trouvent leur source : répétitivité, miroirs, mirages, l’attente d’un enfant… Le Hollandais revient sur terre dans un cycle qui intervient tous les sept ans, comme les sept jours de la semaine, de la création de la terre, cycle perpétuel duquel seule la mort permet de s’échapper… Les chiffres romains de I à VII, s’affichant sur le rideau de scène, pendant l’ouverture, correspondent donc à ce cycle
Sur un plateau tournant, on passe d’une pièce à l’autre, chacune fermée par des portes closes, révélant, comme en miroir, tantôt les membres de l’équipage de Daland endormis dans l’attente de retourner chez eux, et tantôt ceux du Hollandais figés pour l’éternité, tous à l’uniforme identique (bleu comme le ciel ou la mer). S’agit-il d’ailleurs de l’équipage d’un vaisseau volant ou de celui d’un bateau ? Tous ces hommes sont prisonniers de leur vaisseau. Daland et Le Hollandais semblent interchangeables (même uniforme, même mallette). Les femmes en robe bleue ne filent pas, mais remontent sans cesse leur montre à leur poignet, soulignant l’attente de leurs hommes. Erik est le seul archétype humain de l’opéra, rapportant des trophées à Senta, animaux volants tués par lui. Cette mise en scène, très captivante, a soulevé pas mal d’interrogations au sein du groupe du CNRW-Paris…
La distribution, essentiellement balte, est homogène et de haute qualité. Le Hollandais est interprété par le magnifique baryton-basse letton Egils Siliņš, à la voix d’airain (Wotan, en 2013, dans Siegfried, à l’Opéra Bastille). La ravissante soprano lituanienne, à la délicate silhouette, Vida Miknevičūte (Senta) a une voix exceptionnellement puissante. Elle a magnifiquement chanté la Ballade de Senta, mais le timbre est métallique et le haut-médium et les aigus révèlent des stridences assez dérangeantes. Krišjānis Norvelis (Daland) chante bien, mais est plus faible vocalement. Le ténor américain Corby Welch a déçu. Son Erik est falot, un peu balourd, et ses aigus sont forcés. Mary a la belle voix ronde et chaude d’Ilona Bagele.
Les chœurs de l’Opéra sont impressionnants de vigueur et d’engagement. Directeur musical de l’orchestre de l’Opéra national de Lettonie, composé de jeunes musiciens, le chef d’orchestre Mārtiņš Ozoliņš dirige avec précision et netteté, mais avec une certaine âpreté.
Chantal Barove