Ce sujet a 0 réponse, 1 participant et a été mis à jour par JP, il y a 7 ans et 1 mois.
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26 octobre 2017 à 16 h 44 min #1856
je pense qu’il faut comparer ce qui est comparable: la solitude « décharnée » dans laquelle Faust se trouve n’appelle pas un remplissage des voix médianes; songeons alors au Wotan du deuxième acte de la Walkyrie, où je voudrais bien savoir où se trouvent ses fameuses voix médianes; néanmoins, nous sommes ici dans une situation de solitude que vient accroître encore la présence de Brünnhilde (Ah, ce miroir dans Chéreau!) ; ne serait-ce pas alors telle ou telle situation dramatique qui viendrait modifier l’écriture musicale? Difficile avec l’exemple qui nous a été fourni de généraliser à l’oeuvre de tel ou tel musicien.
D’ailleurs, le « débordement de l’orchestre » décrit par le conférencier ne me semble pas propre à Wagner: j’en dirai autant de Schumann , de Brahms, compositeurs souvent accusés -à tort selon moi- de remplissage, du Schubert de l’inachevée…. et de Berlioz dans la Fantastique (ou Weber dans la scène de la Gorge aux loups, par exemple).
Néanmoins, la différence fait selon moi pencher la balance plus du côté esthétique que de celui de l’écriture: la dramaturgie de Berlioz est de nature rhétorique; c’est ainsi qu’on le voit volontiers utiliser la pantomime (Troyens), une volonté de réaliser des tableaux musicaux, qui ont une fonction d’édification: le public, pour Berlioz c’est le peuple, rassemblé autour de son essence. Wagner envisage une dramaturgie complètement différente: le public doit être transformé en une assemblée d’initiés, lesquels auront pour mission de changer le monde, ou plutôt de faire advenir le monde spirituel sur terre (merci Lohengrin, mais il faut Parsifal d’abord, non plus Elsa, mais Kundry,) Quant Berlioz rêve d’être joué au pied des Grandes Jorasses, Wagner s’enferme dans Bayreuth. Dans cette histoire, le seul à prendre le public tel qu’il est en combattant pour sa libération de fait, c’est Verdi: que la Scala, que la Fenice soient enfin italiennes!
D’autre part, le « contrepoint laborieux » de Berlioz me paraît être surtout le fait de l’interprète (Markévitch pourtant); comparez avec la première version de la Damnation par Colin Davis; c’est vrai qu’il y a besoin d’un chef qui ait le sens du geste compositionnel , toujours rhétorique, pour diriger ce genre de musique, qui est souvent restituée comme du sous Wagner, surtout en France!
D’ailleurs, il y a une incontestable volonté de clarté -toujours liée à la rhétorique, dans la musique française post -berliozienne jusqu’à César Franck.
Ainsi, me semble-t-il, le pathos requis par les deux compositeurs n’est-il pas de même nature: quand Berlioz cherche à enflammer l’imagination, Wagner lui, manipule la dynamique psychique, ce qui le place d’emblée dans la modernité.
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