Ce sujet a 3 réponses, 2 participants et a été mis à jour par Anne HUGOT LE GOFF, il y a 7 ans et 3 mois.
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17 juillet 2017 à 17 h 25 min #1717
Pour un choc, c’est un choc. Après cela, on peut tirer le rideau, comme après le Don Juan mis en scène par Haneke ou le Ring par Boulez. Romeo Castellucci a donné du Minnesänger torturé l’image ultime.
Trop souvent, on présente le héros comme le petit bonhomme qui va retrouver sa gentille fiancée après avoir fait un tour aux putes. Quelle vision réductrice! Ce qui rend Tannhäuser passionnant, c’est sa complexité, obsédé du sexe tout en en ayant horreur. Produit d’une éducation hypocrite qui voit de la saleté dans la nature. Déformé par cette éducation. Pour moi, dans les seules mises en scènes intéressantes que j’ai pu voir, Vénus et Elizabeth étaient chantées par la même cantatrice, tour de force que certaines divas ont réussi….. car c’est bien cette seule fiancée que le héros désire, tout en désirant ne pas la désirer, torturé entre cet idéal d’amour courtois et ses pulsions sexuelles que son entourage lui fait croire honteuses.
Cette vision de Vénus, on n’est pas prêts de l’oublier. La chanteuse est enfermée dans une gangue organique qui dégouline sur tout le plateau, où l’on ne sait plus où sont les seins, le ventre, se finissant en circonvolutions intestinales, et tout autour d’elle des figurants dont on ne devine que les dos arrondis, de temps en temps bougent en de lents mouvements péristaltiques. Elle est immonde! Imaginez Jabba le Hunt de Star Wars, mais en bien pire…. C’est comme ça que le héros voit le sexe…
Mais voyez donc, et c’est là que Castellucci touche au génie. Elizabeth, la douce fiancée, est en longue robe blanche, col haut, manches aux poignets, mais….. sur cette robe elle porte un léger tablier où se dessine un corps de femme, nue, menu…. {c’est bien notre temps ça! les hommes préfèrent les grosses, mais courent après les mannequins anorexiques….} Eh oui, notre pauvre héros, il ne peut s’empêcher d’imaginer le corps sous la chaste robe, sainte Elizabeth, il la voit, oh sacrilège! nue, fragile, offerte… Mais il ne la touche pas, ils se poursuivent, s’évitent entre de longs voiles blancs qui forment le seul décor….
Pendant l’ouverture, c’est un ballet d’amazones en longues jupes de gaze blanche à la japonaise, seins nus (personnellement, je suggère à Castellucci de recouvrir un des seins par un bandage….). Elles tirent leurs flèches dans un oeil qui, petit à petit, se comble. Amazones: ce monde justement, de femmes sans hommes, de femmes intactes. Ces images sont sublimes.
Ensuite, il y a tellement d’idées que certaines tombent un peu à plat; un peu trop de figurants; et pourquoi parfois cet alignement de pieds qui dépassent???? Et peut être qu’on ne comprend pas tout, on en laisse sûrement de côté…. Il faudrait tout revoir, il faudra tout revoir, évidemment. Que retenir d’autre? Le départ des pèlerins, ployant sous le poids d’une énorme pépite d’or; chacun reviendra avec un fragment de la pépite. Quelle est donc cette faute collective qui les écrase? Et puis la fin, où KLAUS et ANJA se décomposent lentement dans des sortes de sarcophage, leur union ne pourra donc s’accomplir que dans lorsqu’ils seront revenus à la poussière -débarassés de toute chair, on y revient….
Magnifique direction de Kirill Petrenko; sublime Elizabeth d’Anja Harteros; excellent Wolfram de Christian Gerhager; Elena Pankratova m’a beaucoup moins convaincue que dans son Elektra de Lyon! Quant à Klaus-Florian Voigt, je l’ai trouve moins à l’aise scéniquement que d’habitude et, s’il chante fort bien, je préfère quand même pour Tannhäuser une voix plus sombre.
Cela reste une soirée inoubliable, une mise en scène qui fera date. Que faire, maintenant que tout a été dit?
- Ce sujet a été modifié le il y a 7 ans et 4 mois par Anne HUGOT LE GOFF.
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16 août 2017 à 13 h 18 min #1720
Non, heureusement tout n’a pas été dit et je vous soupçonne d’avoir mis un peu de provocation dans vos propos.
Où je vous rejoints c’est que Castellucci donne une image. Oui, c’est beau, beau comme du design made in Italy.
Les amazones avec jupes blanches « à la japonaise » ? : Le spectacle part au Japon. Il aura du succès, même si « on ne comprend pas tout »
J’ai entendu dire que pour le théâtre kabuki les textes sont tellement anciens que les spectateurs suivent difficilement mais admirent de confiance, alors …
C’est beau et pendant l’ouverture l’attention est un instant détournée de la musique, un instant seulement parce que Pentrenko dirige un orchestre miraculeux de douceur, de transparence et c’est je crois le grand succès de cette soirée cette fusion avec les voix des chanteurs et même de cette mise en scène diaphane.
Je ne crois pas que Tannhäuser soit un obsédé du sexe ni qu’il en ait horreur, il est jeune, il vit l’instant et oui, c’est l’entourage qui veut le culpabiliser. Lui est plus victime, plus innocent et la voix de Vogt convient à merveille, une voix plus claire, plus juvénile : le Pape aurait dû lui pardonner..Non, Vénus n’est pas immonde ! C’est un excès de chair, une luxuriance comme celle de ces représentations pariétales ou des arts premiers, le sexe c’est aussi la vie. Et puis cette gangue immobilise l’artiste qui est obligé de faire passer la sensualité, la féminité dans la voix seule.
Pour rester dans les corps, je crois que les pieds sont des ex-voto propitiatoires, un pèlerin cela marche beaucoup et avec le poids de cette pépite pour payer son absolution ! (Tannhäuser venu nu-pieds et mains vides n’avait aucune chance).
Il n’y a pas besoin de faute collective puisque le péché existe par pensée, par action et même originellement sans rien faire.Je n’étais pas à Munich et l’avantage est qu’à la retransmission un cadrage nouveau se surimpose à la mise en scène. Par exemple, dans le récit du retour de Rome. il resserre l’action sur Vogt , Vogt revit la scène, il revoit le Pape, il ne comprend pas parce qu’il était sincère, son jeu est parfait et la voix parfaitement en accord.
Les tables d’autopsie –vos sarcophages-sont reléguées, heureusement, dans un coin de l’écran disparaissant presque.
Dernier désaccord il n’y aura pas d’union et les grains de poussière resteront des grains séparés à jamais.
Seuls les esprits vivants peuvent s’unir, (quelques fois avec l’aide de la chair).Que faire ? Peut-être revoir le Tannhäuser donné en français à Monte-Carlo ?
Le contraste avec quelques beaux moments sera saisissant. -
19 août 2017 à 14 h 54 min #1723
J’aurais dû me relire plus attentivement avant de poster ce « t » malencontreux et plus impardonnable encore d’avoir mal orthographié le nom de Petrenko, c’est que j’étais encore rempli d’admiration pour sa direction d’orchestre et que je n’ai pas de correcteur.
Correcteur, peut-être un métier qui se perd : je lis dans la presse, dans la distribution du Götterdämmerung que les nornes sont des sorcières ! Pourquoi vouloir traduire Norn et autrement que par Norne. Une acception qui exclu toute relation avec le diable pour opérer des maléfices et qui définit les Nornes à l’instar des Parques comme seules tributaire du destin. -
19 août 2017 à 14 h 57 min #1725
…..Et j’aurais moi même dû voir et corriger Petrenko en relisant votre texte avant de le valider. On partage donc la faute….
Tout a fait d’accord avec vous, quelle bêtise de traduire Norne par « sorcière »….. c’est n’importe quoi!!
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