Mots-clés : Boris Godounov, Don Giovanni, Wotan
Ce sujet a 6 réponses, 2 participants et a été mis à jour par Anne HUGOT LE GOFF, il y a 5 ans et 6 mois.
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5 juin 2019 à 9 h 29 min #2396
Wotan
Déjà en 1893 A. Ernst note que quelques admirateurs de Wagner regrettent, tout bas,….les discours de Wotan et ses interventions fréquentes et il affirme que : « supprimer de telles scènes, ou les mutiler par des coupures, est une véritable profanation ».Je le rejoins, parce que cet acte II scène 2 est un moment majeur du Ring.
Je le rejoins, parce que ce sommet réclame un artiste hors pair ; dans ce dialogue avec lui-même, il lui faut, en plus de la voix, exprimer la nostalgie de son passé, la détresse du présent, la révolte, le désespoir, le renoncement, l’aspiration à la fin ; qu’il ne suffit pas d’être beau ou mince, (pitié mesdames pour les Schnorr von Carolsfeld ou Félia Litvine !).
Les choix de cette journée nous rappellent ainsi que nous avons eu la chance de voir sur scène de magnifiques chanteurs.Le temps manquait, je suggère d’écouter, en complément, dans le Leb Wohl… Hans Hotter en 1942, Alexander Kipnis en 1926, par curiosité Mark Reizen en russe, ou pour ceux à qui les sous-titres manqueraient, en français, Marcel Journet, Etienne Billot dans une autre traduction ou Arthur Endrèze.
Siegfried s’est endormi sous son tilleul en 1857 (Tristan date de 1865) et il s’est écoulé douze ans avant que Wagner n’entreprenne le III acte en 1869. Wotan est devenu le Wanderer.
Sur la reproduction de l’affiche du festival de 1876 le Wotan de l’Or du Rhin, la Walkyrie, est Betz von Berlin mais le Wanderer de Siegfried n’est pas distribué, le problème de tessiture que vous souleviez se posait-il déjà ? Il faudrait un musicien pour nous éclairer. -
5 juin 2019 à 9 h 44 min #2401
Moi, ce problème de l’adéquation d’un personnage et d’une tessiture m’intrigue beaucoup. Il se pose dans un certain nombre de rôles (bon, les ténors ne sont pas concernés: une voix claire comme celle du beau blond (Klaus Florian) ou sombre comme celle du beau brun (Jonas) ne va pas modifier la vision qu’ils peuvent donner de Lohengrin). Il se pose pour quelques uns des plus beaux rôles de l’opéra: je pense à Don Giovanni, Boris, et Wotan donc, interprétés par des basses ou des barytons, et cela peut changer complètement notre ressenti du personnage. Pour en revenir à Wotan, sans doute Hans Hotter avait il la plus belle voix…. mais c’est, à la limite, le Wanderer, mais sûrement pas la crapule de l’or du Rhin! Boris (le vrai) est mort à 55 ans. Ildar Abdrazakov avec sa jeunesse et sa stature athlétique était juste, plus qu’une basse noble: le rôle n’a d’ailleurs pas été écrit pour une basse noble, mais beaucoup de grandes basses s’en sont emparé.
Bref, pour en revenir à Wotan: que souhaitait Richard Wagner? A cette question, nous n’auront jamais de réponse…. -
6 juin 2019 à 11 h 17 min #2402
Vous avez raison pour ce qui concerne les voix claires ou sombres parce que ce n’est pas un problème de tessiture mais de technique vocale.
Si en montant une gamme vous avez la sensation que le son se déplace vers le fond du palais, larynx haut, bouche élargie, le son sera clair, plus mince. Si vous avez la sensation que le son s’étale sur le palais depuis l’arrière des incisives, larynx bas, bouche en hauteur et que le son reste projeté vers l’avant il sera plus sombre, possiblement énorme.Pour ce qui concerne Lohengrin vous avez aussi raison parce que c’est un personnage désincarné.
A tel point qu’à Bayreuth ses « doigts de pieds éthérés » quittent le sol pour pouvoir se battre en duel avec Telramund, d’où l’utilité de ses ailes diaphanes que (licence poétique) j’avais prises pour celle d’une libellule. Mais au nombre de deux = diptère = mouche !
Je n’ai pas cherché à en identifier la variété !
Il faut que je tempère mon propos au dernier acte les lances des Brabançons avec leurs fers lumineux évoquent vaguement la mouche des couteaux Laguiole qui est aussi parfois assimilé à une abeille.Pour me venger de votre ‘Wotan crapule’… Je vous abandonne votre Don Juan, assassin, violeur, harceleur qui n’est sauvé que par son refus de se repentir (sur un sol 3 souvent opportunément masqué par un orchestre fort bruyant).
Pour Boris : le problème me semble insoluble.
Quel Boris ?
Moussorgsky/Rimsky-korsakof 1896, 1908/Meligalis RIGA 1924/Chostakovitch 1939/Ippolitov-Ivanov 1960 ?
Je crois qu’il faut apprécier chaque artiste et chaque incarnation à chaque fois.
Par exemple le fameux Chaliapine entre sa mort au disque et le live de la même scène il ya une dizaine de minute d’écart !Pour faire pendant à votre Hannah Glawari, je confesse que j’aime bien la version Korsakof et en particulier l’acte polonais (et si !) où l’intrigue du jésuite Rangoni donne une dimension supplémentaire à l’œuvre.
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6 juin 2019 à 11 h 36 min #2404
Pour en revenir à notre trio de crapules….. c’est bien pour ça qu’ils sont intéressants, car bien franchement, les chevaliers blancs, quelle barbe! Pourtant aime t-on tant Posa? Parce que c’est un personnage ambigu, qui sous ses dehors d’ami absolu (ami prêt à virer à l’amant?) manipule tout le monde, Philippe, Carlos…. comme un peu plus tard Procida dont il est la première version.
J’ai adoré la version de Claus Guth de Lohengrin pour sa vision sarcastique du chevalier blanc: qui tombe sur terre tout plein de sa morale et de ses rêves idéalistes et se trouve confronté à de vrais humains avec leur vraie petitesse. Effrayé par ce monde, incapable de s’y adapter, notre Lohengrin se révèle être…. un vrai neuneu.
Don Giovanni pourrait être intéressant en le psychotant un peu. Il court après tout ce qui bouge car au fond il se déteste? En tuant le noble Commandeur il finit pas tuer la partie noble de lui même? J’avais imaginé une mise en scène où le Commandeur serait l’image de Don Juan vue dans un miroir. Lorsque on reste au premier degré des aventures d’un jouisseur sans scrupule, c’est un personnage bien mièvre, d’autant que Mozart (qui devait le détester) ne lui a écrit que des airs bien mièvres, sérénade, chanson à boire…..
Pour Boris, je pense qu’il faut alterner la version avec et sans acte polonais. J’ai adoré la version utilisée par Ivo van Hove, resserrée autour d’un drame humain; mais la version avec acte polonais, plus « grand opéra » ne manque pas de charme, il y a quelques jolis airs. Il faut donc voir tantôt l’une, tantôt l’autres…. -
6 juin 2019 à 11 h 46 min #2405
Je viens de voir la saison prochaine on aura René Pape en Boris. J’y cours!!
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8 juin 2019 à 13 h 07 min #2406
C’est vrai que pour Don Juan je suis resté au premier degré, que je n’aime pas ce personnage et je vous sais gré de me conforter dans cette idée puisque, d’après votre analyse, j’aurais l’aval de Mozart lui-même !
Dans les années 80 la radio avait lancé une enquête nationale : Quel est le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre de l’opéra ?
Verdict : 1er Don Juan, 2ème Tristan.
Impardonnable pour un Wagnéromane enragé ! Bacquier plus tard m’a ramené à de plus justes appréciations.Pour Boris évidemment René Pape est tentant.
Et puis je n’ai jamais vu sur scène que le Bolchoï.
Version Rimski-Korsakof (avec Ognivtsev/Arkhipova puis Obraztsova, décors Fiodorevski). En 1969-70 !!!Je sais que la partition a été altérée, que l’acte polonais a été imposé à Moussorgski, que les décors en toiles peintes sont décriés, mais la débauche de luxe dans les costumes, les fourrures, les pièces d’or jetées par poignées au peuple misérable, le tintamarre des cloches du Kremlin ! Tape à l’œil, mauvais goût ? En tout cas un effet sidérant !
Alors cinquante ans après, un « vrai » Moussorgski ?
J’espère au moins que l’œuvre s’achèvera non avec la mort de Boris (le destin d’un seul homme) mais avec la scène dans la forêt de Kromy qui réinsère le peuple dans la continuité historique, où seul l’Innocent est et reste lucide : Плач, плач, русский люд, Голодный люд !
Deux rectifications mineures
Pour l’interprétation Chaliapine en studio 8 mn 40, en direct 12 mn soit 3mn 20 sur un air c’est plus raisonnable mais presque 30% plus long !
Pour Lohengrin neu-neu : Procida précède Posa. (Les Vêpres 1855, Don Carlos 1867) Les deux défendent une cause qui dépasse leurs intérêts personnels, est-ce que ce côté plus politique altère les sentiments et la loyauté de Posa vis à vis de Rodrigue ? Je ne m’étais jamais posé la question. -
8 juin 2019 à 13 h 34 min #2408
Psychanalyse de Wolfgang….
Une vie de larbin, au service de grands seigneurs, pas forcément méchants hommes, mais quand même….. D’autres l’ont été avant lui, et non des moindres, mais Mozart, qui était sans doute franc maçon, était acquis aux idées nouvelles et manifestement plébiscitait un Beaumarchais qui prédisait la victoire du peuple, ou plus exactement de la bourgeoisie (Figaro est plus près d’un petit bourgeois que d’un homme du peuple) sur la bourgeoisie.
Comment s’est il vengé de Don Giovanni? En ne lui écrivant pas de musique. Certes, il est quasiment toujours en scène, pour participer aux ensembles, à des duos (par exemple avec Leporello) plus proches du parlé que du chanté, mais pas seul grand air -une chanson à boire et une sérénade assez peu inspirée…. Même le fade Ottavio a un bel air comme Mozart savait les écrire! Même Ottavio est mieux servi! C’est pas une preuve de détestation ça??
Chef d’oeuvre des chefs d’oeuvre…. ça ne veut pas dire grand chose. Parsifal ou la Walkyrie? (Surement pas Tristan dont le livret est insupportable) Faut il penser musique seule, ou tenir compte aussi de l’intérêt de la thématique? Madame Butterfly, Peter Grimes ou Eugène Oneguine sont des oeuvres théâtralement formidables…
En effet ma phrase était tournée à l’envers: Procida est une première version frustre de Posa, forcément moins intéressant. C’est un Che primaire. Posa est bien plus. Il joue de l’attrait homosexuel qu’il exerce en particulier sur Philippe (oui, le côté homosexuel de Don Carlos, j’y tiens, j’ai même réussi à convaincre Christian Merlin!!) Il rentre dans les bonnes grâces de son ennemi; il trahit Carlos, dont il est amoureux, mais pas au point de l’envoyer à la mort. C’est un magnifique personnage dont peu arrivent à rendre la complexité, même en chantant très bien….
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